La Semeuse : Échecs et réussite
Le remplacement du type Sage
Pour remplacer le type Paix et Commerce (dit "type Sage"), un concours
est organisé en 1894. Le jury - dont fait partie Oscar Roty - sera
déçu des projets proposés et ne donnera par de premier prix, seulement
5 mentions honorables.
Louis-Eugène Mouchon (qui comme Louis Oscar Roty, signait l'initiale de son second prénom
et son nom) voit émettre son allégorie "Droits de l'Homme" (dit "type Mouchon") en 1900. Mais ce timbre est
immédiatement rejeté par la critique. Une nouvelle version, plus lisible, est
émise en 1902 (dit "type Mouchon retouché"), ne convient pas d'avantage.
Le projet est alors mis en route : le choix d'un symbole connu (il figure sur les
pièces de monnaies) et reconnu (les critiquent l'apprécient).
Le plâtre de Roty
Oscar Roty, membre du jury du concours de 1894, refusa d'abord de produire un
timbre Semeuse.
Oscar Roty faisait des médailles, donc il fit une plaque en relief (et non
pas un dessin) comme maquette du timbre Semeuse. On verra par la suite
que cela posera des problèmes au graveur.
Mouchon fut chargé de l'adaptation et de la gravure, il était le graveur
de timbres-poste attitré de l'Administration depuis le type Sage.
La Semeuse Lignée : 2 avril 1903

Epreuve sans faciale, certainement du poinçon original par Mouchon

Premier Jour de la première Semeuse
Afin de lui donner l'apparence d'un timbre en taille-douce, technique
d'impression plus prestigieuse que la typographie, Mouchon choisit un
fond en lignes horizontales.
Mouchon va ombrer La Semeuse en se basant sur un éclairage conventionnel
(voyez les boutons sous Windows, ils sont éclairés de cette manière !) du modèle en
plâtre (haut gauche), et non sur la lumière du soleil levant (bas droit).
L'extrême lisibilité des faciales est un problème fondamental pour l'Administration, et
le fond ligné ne permet pas à ces dernières de ressortir suffisamment.
La différence entre le sol et le ciel est ténue. La ligne d'horizon est
perdue au milieu des lignes horizontales.
Par ailleurs La Semeuse - sur timbre ou sur monnaie - sème contre le vent
(sa direction est donnée par les cheveux et le vêtement),
ce qui serait contraire à la réalité. En pratique
les paysans adaptent leur geste aux conditions et savent très bien semer
contre le vent.

Cet essai dentelé sur jaune indien montrerait les couleurs choisies par l'auteur.

Cette carte montre les timbres courants européens, mais pas La Semeuse : à sa place il y a le tarif et le poids maximum
de la lettre simple intérieure française. Ces conditions tarifaires ne sont
pas à l'avantage de la France, mais cela va changer...
La Semeuse au soleil devant : non émis
C'est le projet de remplacement de la Semeuse Lignée qui a été le plus
prêt d'aboutir, en effet il existe un tirage à plat commun avec La Semeuse
avec sol (dans une feuille de 150 vignettes, 50 sont au type Semeuse avec Sol,
50 au type Semeuse au soleil levant, et 50 restent blanches).
Le problème des ombres est résolu en déplaçant le soleil devant, et
le sol est présent.
Le tirage en feuille sera fatal à ce projet, en effet l'impression
est mal venue et empâtée, et cette version restera non-émise. Cette
Semeuse a fait l'objet d'un nouveau poinçon original.
La Semeuse avec sol : 16 avril 1906
À l'occasion d'une diminution du tarif de la lettre simple intérieure
de 15 centimes à 10 centimes, une nouvelle Semeuse corrigeant les défauts
de la Semeuse Lignée est émise : c'est la Semeuse avec Sol.
Le fond ligné est abandonné au profit d'un fond uni, sur lequel la faciale
en blanc se détache, le soleil est abandonné.
Un premier tirage d'urgence fut réalisé en feuille de 50 timbres
(au lieu de 150), c'est La Semeuse avec sol type I.
Le timbre fut retouché afin d'accentuer les détails, et le tirage
en planches de 150 au type II est vendu à partir du 17 mai 1906.
Le sol ne plaisait pas, mais c'est surtout sur le bout du sac qui
sort au niveau de la poitrine de La Semeuse que le ministre s'est crystalisé :
il fallait enlever ce téton !
La Semeuse maigre : 28 juillet 1906
La Semeuse dite "maigre", par
opposition au type suivant sur lequel les faciales sont en lettres
plus grasses.
Colère du ministre qui demande l'arrêt de la vente et la destruction
des stocks après 2 heures de vente au bureau de l'assemblée ! En effet le résultat ne
le satisfait pas. On a failli avoir le timbre de France en vente
le plus court moment, la spéculation fut vive mais les stocks furent
écoulés (pour des raisons d'économie) fin 1907.
Mouchon retoucha La Semeuse Maigre, ajouta des lignes de lumière pour
détacher La Semeuse du fond, c'est le type II. Mais le résultat
ne satisfait toujours pas.
La Semeuse camée
Finalement, c'est au graveur-retoucheur de l'Atelier LHomme
que fut confié le projet, donc en écartant Mouchon.
Lhomme va réaliser un Semeuse plus adaptée à l'impression industrielle
en forçant le trait par rapport à celui de Mouchon, et en utilisant une
fonte grasse pour la valeur faciale en particulier. Il partira d'une
copie du poinçon original (celui de La Semeuse Lignée) de Mouchon.
L'adjectif camée n'a pas la signification courante (non, elle ne se
drogue pas !) mais fait référence au Camée, le bijoux. On l'appelle
parfois aussi Semeuse Grasse, ce qui n'est également pas la signification
courante (non, elle n'est pas grasse !), mais fait référence aux caractères
utilisés pour la faciale.

Carte Postale Timbrée Sur Commande (TSC) pour une exposition
philatélique (la Semeuse sème... des timbres). Elle est
bien sûr affranchie d'une Semeuse camée.
Épilogue
Il fut bien difficile d'obtenir un timbre Semeuse satisfaisant,
mais par la suite les Semeuse lignées ou même maigres furent
tout de même utilisées.
Cette carte postale reprend une allocation de Paul Hervieu de l'Académie Française.
Il compare La Semeuse française avec la Germania allemande avec un
regard très français, mais en tout cas très bienveillant à l'égard
de La Semeuse.
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