Sarah Bernhardt : dessiné et gravé par Gandon, signé par Mazelin3 vignettes très semblables, mais d'un nature très différente :
Je vous encourage à cliquer sur les images pour voir en gros plan ces vignettes, plus particulièrement le timbre issu de l'épreuve d'artiste du poinçon original et signée au crayon par Gandon qui est une merveille de gravure en taille-douce, elle ressort admirablement ce tirage à plat. Ce timbre a été émis le 16/05/1945 (retrait le 13/10/1945) pour fêter le centenaire de la naissance de Rosine Bernard le 28 novembre 1844, plus connue sous son nom de scène Sarah Bernhardt. À l'évidence, ce timbre a eu quelque retards vu sa sortie 6 mois après l'événement. Il reprend un tableau de Bastien Lepage du musée Fabre à Montpellier. Si l'ajout de la surtaxe n'est pas un changement inhabituel (elle a bénéficié à la maison de retraite du Grand Coq à Pont-aux-Dames qui héberge des artistes dramatiques), le fait que la signature de Mazelin remplace celle de Gandon est tout à fait exceptionnel (encore que ce ne soit pas le seul timbre français comportant la signature d'un autre graveur que son auteur) et mérite quelques explications. Au sortir de la Seconde Guerre Mondiale, le comité d'épuration (qui s'occupe du cas des collaborateurs) s'intéresse aux timbres émis pendant le régime de Vichy : le Maréchal Pétain figure sur les timbres d'usage courant, ses oeuvres sont timbrifiées et son anniversaire fêté. Si de nombreux timbres sur ce sujet ont été dessinés ou gravés par de nombreux artistes, on punira "pour l'exemple" un seul d'entre eux : Gandon subira d'une interdiction de travailler pour l'administration pendant 3 mois. On reprochait à Gandon en particulier ses timbres en l'honneur de la Légion Tricolore. La Légion Tricolore était un corps de volontaires dont les soldats ont servi aux côtés des militaires allemands sur le front de l'Est. D'une faciale de 1F20, ces timbres avaient une surtaxe importante de 8F80 au bénéfice de la Légion Tricolore. Très réussis sur le plan esthétique, ils bénéficient d'un présentation originale : dans une bande verticale de 5 vignettes, les 2 timbres supérieurs sont en bleu, la vignette blanche centrale porte l'empreinte à sec du timbre, les 2 exemplaires inférieurs sont en rouge. La bande verticale de trois reprend donc les couleurs du drapeau français. 408 000 bandes ont été vendues, soit en total de 1 632 000 timbres, soit une surtaxe de près de 15 millions de francs de l'époque. Mais la gravure du timbre Sarah Bernhardt était terminée et il devait sortir au plus tôt. Au lieu de retarder son émission, une astuce a été employée pour sauver les apparences : le timbre sera signé de Mazelin (et payé aux 2 artistes), épargné par le comité d'épuration malgré sa participation dans les bandes "Francisque" et "Travail-Famille-Patrie". Selon Gandon (célèbre pour parfois enjoliver ses histoires), il aurait lui-même proposé à Mazelin - qui passait dans le couloir au moment où la sanction était annoncée - de reprendre à son compte ce timbre. L'histoire ne dit pas qui de Gandon, de Mazelin, ou d'un autre graveur a effectué les 2 retouches (changement de la signature sur une copie du poinçon original ; ajout de la surtaxe). Il existe des épreuves signée Mazelin (sur le timbre et au crayon) sans surtaxe. On peut faire l'hypothèse que Mazelin a ajouté sa signature lui même, et que la surtaxe a été ajoutée par la suite par un graveur salarié par l'atelier. L'ironie veux que Gandon dessine et grave le timbre émis pour la libération de Paris, figurant une Marianne s'envolant sur Pégase. Et qu'il est l'auteur de la Marianne qui porte son nom qui remplace l'effigie du Maréchal, ainsi que les timbres imprimés hors du territoire métropolitain (Marianne de Londres, Marianne d'Alger, Arc de Triomphe imprimés aux USA) sur les timbres-poste d'usage courant. Sources :
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